La lune était haute dans le ciel, la nuit était illuminée par les flammes qui se dégageaient du village bretonnien. Une pluie de cendres teintées de rouge tombait sur la plaine, recouvrant légèrement Waghazag.
Le grand chef gobelin souriait. La horde de petites monstruosités vertes avait défait sans mal les habitants du village et prenait maintenant un malin plaisir à torturer et à tuer les survivants.
Waghazag était heureux, cette nouvelle victoire allait attirer encore plus de gobelins sous ses ordres et sa mainmise sur le clan des os p’tés à la lune sanglante n’en serait que renforcée.
Sa hache dégoulinante de sang, le chef descendit de ce qui fut autrefois un autel à la Dame de Bretonnie quand son regard fut attiré par une tour ancienne non loin du village. Sans comprendre pourquoi, Waghazag se dirigea vers elle.
La tour n’était plus que ruines, de nombreuses traces de foyer dissimulaient les peintures blanc et azur qui décoraient les murs, et un escalier en partie en miettes en permettait l’ascension depuis l’extérieur.
Le grand chef courait maintenant sur cet escalier et finit par atteindre le sommet la tour, où l’attendait un présentoir de pierre sur lequel se trouvait une gemme blanche qui brillait tel le regard d’un pilier de comptoir découvrant la plus grande réserve d’alcool du vieux monde.
Waghazag ne pouvait en détacher le regard et alors qu’il allait s’en emparer, quelque chose attira son regard. De l’Est un soleil azur se leva, ses rayons de lumières apportant la mort au gobelin qu’ils touchaient. Du Nord une flamme pourpre embrasa le ciel lui donnant des allures de mer de sang. L’Ouest vit naître une simple luciole verte mais son aura rendait les plantes dont elle s’approchait plus grandes, plus robustes, mais surtout plus sombres
Waghazag transpira à grosses gouttes, se demandant ce qui se passait quand une voix tonna comme l’éclair !
« Waghazag ! Gork et Mork y t’ont choisi ! »
Surpris, le gobelin choisit ses mots soigneusement avant de répondre : « Kikikose ? »
Un éclair tomba non loin du grand chef « Silence ! Tu doi’ faire euk’c’ke j’te dis !
Tu dois r’trouver cette pierre blanche avant les autres ! Une fois k’tu l’auras ! J’r’viendrai te causer ! »
Le gobelin était mal à l’aise « Ben...C’bon ! Elle est juste là ta kaillasse j’ai qu’à tendre la… »
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que les trois lueurs grossirent et englobèrent le ciel entier avant de se mettre à gronder et hurler telles des armées en guerres. Cela dura un moment avant qu’elles ne se dirigeassent toutes trois vers le sommet de la tour. Le grand chef leva sa hache, prêt à se défendre quand…
….Il se réveilla en sursaut !
Waghazag respirait bruyamment, sa petite paillasse était en désordre et couverte de transpiration. Le grand chef secoua la tête puis se leva en attrapant son arme.
« Fo plus ke j’mange de squig avec d’la bière d’champi avant d’dodo moi » pensa l’énorme chef en sortant de sa tente.
Le campement des gobelins du clan des Os p’tés à la Lune sanglante était devenu maintenant un véritable fortin, un grand nombre de tentes avait été construit par les gobelins alors que leurs cousins de la nuit avaient agrandi ou pris possession de nouvelles cryptes et de leurs sombres cavernes.
Tzark, le moine de Gork et Mork, prêchait à une foule, qui s’agrandissait à chaque sermon, que les dieux orcs avaient béni leur grand chef, et que bientôt la grande vague des gobelins allait de nouveau frapper le monde. Granark, que l’on avait surnommé Eu’l Drapo sans sourire, se dirigeait vers le chef, la bannière du clan roulé sur l’épaule. Une petite bande de snotling le suivait en évitant avec talent les coups de pieds que tentait de leur donner le gobelin de la nuit, et en imitant sa démarche à la perfection.
Le gobelin de la nuit inclina, très légèrement, sa tête en direction de son chef « Chef ! Y’a les ‘claireurs qui ont vu un zhumain qui s’baladait dans une carriole sur la route sud »
Le grand chef grogna « Et alors ? Y z’ont b’soin d’moi pour krazer un pove marchand ? »
« Ben y disent que c’pas un marchand…et ki savent pas c’ke c’est, alors y z’osent pas l’attaquer... »
Waghazag soupira « Ok ok z’y vais, dit à Vlog d’me rejoindre avec un petit paquet d’ces gars »
Waghazag se tenait prêt, dissimulé avec Vlog et sa bande dans un effleurement rocheux. Il surveillait la route dans l’attente de leur étrange visiteur.
Celui-ci ne tarda pas à arriver, et il n’avait surtout pas l’air d’un marchand. Sa carriole contenait un bric-à-brac invraisemblable de livres, de cages, ainsi que plusieurs télescopes aux formes aussi diverses que variées.
Le « marchand » lui-même était bizarre… Il portait une robe richement décoré d’étoile d’or sur fond bleu, mais le plus étrange était qu’il semblait se disputer avec… personne ! Waghazag avait beau se pencher en tout sens, il ne parvenait pas à voir avec qui l’humain parlait, et pourtant quand la carriole fut assez proche, il entendit une voix de femme se joindre à la dispute.
L’homme semblait au bord de l’apoplexie : « Tu m’énerves Héra ! Cela fait cent fois depuis Altdorf que tu me répètes que tu avais raison au sujet de mes recherches ! »
« NOS recherches…après tout sans moi, tu n’aurais pas fait le lien entre la constellation de Mummit le Fou, signe d’Intuition, qui s’alignait lentement avec la constellation du Crépuscule, signe d’Illusion et de Mystère et que cela entraîne une résonnance dans l’Athyr au point de croisement des vents de magie et que cela indique forcément que.. » répondit la voix féminine.
« Cesse de me définir les constellations ! Je suis magister de l’ordre céleste ! Alors je sais très bien à quoi correspondent les étoiles ! Et si tu ne m’avais pas parlé de cette possibilité que cet alignement pouvait permettre l’ouverture de la tour de Sariel, je n’aurais pas été banni par l’ordre ! »
La voix de femme soupira « T’ai-je dit d’en parler à tout le monde ? Bien sûr qu’ils t’ont banni ! Tu n’as aucune preuve que cette tour existe ! Et tu imagines ce qu’il se passerait si c’était le cas ? Vraiment je me demande parfois comment tu parviens à nouer tes lacets le matin… »
« Il suffit Familier ! » Hurla le mage en tirant sur les rênes du poney, stoppant la carriole.
« Je t’ai créée ! Alors tu me dois respect et obéissance ! Ou alors je t’envoie voir de très près la constellation de Mummit le fou ! Est-ce clair ?! »
Nouveau soupir féminin : « Oui……maître…., Je ne dirai plus rien contre vous…sauf que je jure de servir bien plus fidèlement toute personne ou créature qui pourrait me débarrasser de vous ! »
Le mage attrapa son bâton et le pointa vers une cage : « Je ne te supporte plus stupide familier ! Tu vas voir ce qu’il en coûte de se moquer d’un Magister ! »
« Tu vas d’bord voir c’k’y coûte d’pas r’garder derrière soi » entendit le mage avant que la hache de Waghazag sépara la tête de son tronc.
Le chef hurla de rire, bientôt suivi par la petite troupe de gobelins qui, bien que ne comprenant pas pourquoi, ne voulait surtout pas attiser la colère du chef.
Essuyant son nez morveux sur la capuche d’un de ses sbires, Waghazag entreprit de fouiller la carriole et fut surpris d’y trouver un chat en cage…il fut encore plus surpris d’entendre la voix féminine en sortir.
« Oh dieux… Je ne pensais pas pouvoir tomber sur une personne plus diminuée intellectuellement que ce mage » Le chat tourna la tête vers un Chef gobelin particulièrement surpris.
« Bonjour à vous maître, pourrais-je vous demander de me sortir de cette cage ? Mon ancien maître trouvait que je passais trop de temps en balade ou en sieste, mais que voulez-vous, il m’a créée sous la forme d’un chat, alors j’ai des habitudes de chat…vous ne m’avez toujours pas libérée, au fait… »
Waghazag secoua la tête : « Attends attends…t’es un chat qui parle ? Et pourquoi qu’t’m’appelles Maître ? »
Le chat soupira, encore, avant de reprendre « Non non, je suis un familier que la personne dont vous avez habilement, mais lâchement, décapitée de dos, avait créé pour certains de ses rituels, et oui je vous appelle maître car je viens de faire une promesse stupide…vous avez remarqué que je suis toujours en cage ? »
Le chef ne comprenait pas trop, sauf qu’une créature magique, potentiellement traîtresse, acceptait de le servir.
« Ok j’t’embarque ! Mais avec kelkes konditions! C’que jamais tu t’sépares de moi ! Et si jamais tu sais un truc qui peut m’servir ! Tu m’le dis ! »
« Bien comme vous voudrez…Maître...Sinon je me nomme moi-même Héra, mais ce serait mieux si vous me sortiez de cette cage, comme je vous l’ai déjà demandé trois fois, pour me présenter. »
Waghazag frappa sur le cadenas de la hache, et le chat sortit en s’étirant, exposant à la lumière du soleil son pelage crème, son masque de poils noirs sur les yeux, et le gantage blanc du bout de ses pattes.
« Merci Maître ! Bien, alors, où va-t-on ? »
« On rentre fo qu’je te montre à Wil’ le chaman... » La petite troupe prit la route du bastion quand le chef se tourna vers le chat trottinant à sa suite. « Cela ve dire koi diminué intellectuellement ? »
Héra, fit une moue avant de répondre « Cela veut dire que je vais devoir utiliser un vocabulaire vraiment plus simple si je ne veux pas devenir rapidement folle à force d’explications… »