Leçon de ténacité
ou
La résistance du changement.
« Guillermo…Tu m’entends Guillermito ? Viens, viens je t’attends…Nous serons enfin de nouveau ensemble…Guillermo…Guillermito… »
- GUILLERMO !! Lève-toi, trou…
Guillermo n’entendit pas la suite, une autre explosion avait éclaté non loin.
- Debout ! Comment tu peux t’endormir avec ces foutus canons ?
- Je ne dormais pas capitaine.
- Te fous pas de moi ! Si je te revois avec les yeux fermés t’a intérêt à être mort ! Comprit ?
- Si. Affirma Guillermo tout en sachant que les admonestations son supérieur n’était pas que des hâbleries.
- Alors on avance !
Guillermo se releva péniblement en secouant la tête. Il avait les jambes molles et l’impression que tout tournait.
Le coup qu’il avait reçut à la tête en était sans nul doute responsable.
- Ca va Guillermo ? Lui dit Vino en lui tendant l’épée qu’il avait laissée dans la terre boueuse.
- Oui, c’est simplement dur de revenir à la réalité.
- Tu rêvais de notre belle Tilée ? Demanda Francisco.
- Non…de Mona.
- Oh, désolé Guil. Dit Francisco en se rappelant que Guillermo était veuf.
- Vous croyez qu’c’est l’moment ? S’énerva Andréas.
Le régiment de mercenaire se reformait tant bien que mal, tout en avançant parmi les sillons. Le groupe, dirigé par le capitaine Rodrigue Morelli, était au milieu de troupes impériales. Le champ de bataille était un futur champ de blé dont l’avenir était bien incertain si l’on comptait les cratères, le sol tassée par des centaines de pieds, et le sang qui abreuvait la terre déjà fangeuse.
A présent debout, ses esprits en place et son arme au poing, Guillermo progressait avec ses compagnons. Un ordre supplémentaire fut masqué par la détonation d’un mortier de l’Empire. Les chevaux hennissaient, les hommes hurlaient leur fiel, leur crainte, et leurs douleurs, derrière le rugissement des bouches de feu. Les seuls vraiment pondérés étaient, contrairement à leur réputation, les tiléens. La hardiesse de ces hommes tenait un mot de deux lettres : or. Leur détermination n’était du qu’a leur avidité de richesses, et cela suffisait à leurs employeurs.
Devant les hommes de Morelli des lanciers Ostlander sentait leur tour venir. En effet seulement trois rangées de franches compagnies les séparaient de la seconde vague ennemie.
Une horde glapissante et hurlante, beuglait ses intimidations gutturales en les ponctuant de coup de hachoirs. Malgré toute leur fougue, les hommes ne semblaient pas de taille face à l’ire de ceux qui ne l’étaient qu’à demi.
Soudain, quelque chose de terrible poussa un cri strident et atroce. Levant les yeux au ciel Guillermo vit une silhouette violette, floue, siffler au-dessus des rangs comme un boulet hurlant, en laissant dans son sillage une traînée multicolore. Comme tous les hommes de la compagnie, Guillermo avait souvent pris la mer en quête d’emploi, et par conséquent avait acquit certaines connaissances concernant la faune sous-marine. D’après lui la créature hurlante avait tout d’une raie, si l’on omettait sa taille, ses crocs et le fait qu’elle vole en semant l’effroi.
Un impérial qui dirigeait des archers ostlander ordonna férocement que l’on prenne les raies volantes comme cible. Suite à cet excès venimeux, les monstres hurlants tombèrent sur lui et Guillermo ne préféra pas regarder ce qu’il en advint.
A présent les gerbes de sang de lanciers étaient visibles, même de Guillermo et de ses amis qui formait le troisième rang du régiment.
Bientôt les tiléens durent faire attention à ne pas trébucher sur les cadavres plus que mutilés des lanciers. Leurs adversaires avaient détalé mais avaient été remplacés avec promptitude par pires encore.
A l’instar de leurs prédécesseurs, les bêtes avaient de la fourrure et un faciès entre le bovin et le chevalin, mais las de la bipédie, le dieu sombre leur avait envoyé des monstruosités au tronc d’humanoïde et au reste d’équidé. Pour parachever l’œuvre, les bêtes étaient fournies de cornes plus imposantes et de haches à double tranchant.
A l’instant où ces aberrations chargèrent, il n’était plus question de lanciers, de horde et de compagnie, mais de survie. Les rangs étaient percés, les hommes désordonnés, et la sauvagerie se disputait à la vélocité.
Guillermo vit arriver vers lui l’un des hybrides mugissants. De toutes ses forces, serrant la garde de son épée, il frappa la bête dans l’espoir d’être le plus vif, néanmoins, son ennemi parvint à contrer, et grâce à l’élan qu’il avait prit, projeta le tiléen dans la limoneuse terre du champ. Avant que la bête n’enchaîne, Guillermo profita de sa position et lui sectionna les tendons au-dessus du sabot avant gauche. Une humeur pourpre jaillit et l’hybride fit volte-face en chancelant, afin de reprendre ses distances, puis de l’élan. Guillermo, lui, sauta sur l’occasion et le dos du mi-cheval. La créature chaotique se cabra et secoua furieusement son échine, mais le tiléen se cramponnait fermement à une corne. Lorsque le monstre reposa les sabots avant, Guillermo mis tout son poids sur la prise de sa senestre, et de son autre main, planta profondément sa lame dans le cou musculeux. La bête s’effondra en vomissant une humeur rouge sombre par sa plaie.
Guillermo roula pour ne pas être écrasé, et parvint à se remettre sur pied. Il vit Andréas croiser le fer avec un hybride, il se mit à sourire.
« Finalement on s’en sort pas mal » se dit Guillermo, avant d’apercevoir un nouveau quadrupède en charge. Il plongea alors sur le coté pour éviter le tranchant d’une hache, et la bête le dépassa.
Une nouvelle fois sur pieds, il jeta un coup d’œil a Andreas et vit une hache ressortir de son échine. Détournant le regard il aperçut son vieil ami qui s’approchait de lui devant un décor de carnage.
- Tiens, la perd plus cette fois. Lui dit Vino en lui présentant l’épée qu’il avait laissée dans la gorge du chaotique.
Guillermo prit nerveusement son arme.
- Andreas… Commença t’il, mais le galop rapide d’un des hybrides restants se détacha du reste de la cacophonie. Avant même que l’un des deux ne réagisse, l’acier mortel d’une hache allégea Vino de la plus part de son crâne.
Guillermo, figé d’horreur, contemplait en tremblant la surface bouillonnante de sang. La tête avait été tranchée d’une oreille à une autre en passant par le milieu de l’arrête nasale. Guillermo repoussa le défunt et glissa en reculant. La dépouille se croula et répandit le reste de sa cervelle dans un sillon. Guillermo essuya le sang de son visage avec sa manche et toujours allongé, bascula la tête à gauche. Son regard terrifié lui fut rendu par Roberto, un jeune soldat qui jadis avait presque sauvé la vie de Guillermo.
Affalé comme il l’était. Guillermo remarqua que les paupières de Roberto frémissaient encore malgré qu’un sang carmin s’écoulât à une commissure de ses lèvres. Le regard du plus vieux des deux suivit le corps du plus jeune depuis la tête, et bondit d’une horreur nouvelle en voyant que la taille sans jambes de Roberto n’était plus qu’une énorme bouche vomissant des boyaux sanglants.
Paniqué dans ce réel cauchemar, Guillermo était si désorienté qu’il ne savait plus ou il devait fuir. Un hybride portant deux haches, dont la fabrication avait été peu soignée, galopa vers lui. Sentant que ses jambes ne répondaient plus, Guillermo devint hystérique. Il donna plusieurs coups mais aucun n’aboutit, en revanche les lames de six autres tiléens vinrent percer les flancs du monstre avant que ce dernier ne puisse riposter. Guillermo su ainsi que les mercenaires avaient eu raison des hybrides galopants.
Le capitaine reforma les rangs avec le peu d’homme qui lui restait, et tout juste cela fait, de nouvelles créatures bipèdes et velues apparurent.
Elles étaient différentes des premières, étaient plus difformes, plus exaltées aussi. Morelli en aperçut une singulière au milieu du rang de tête. Bien qu’elle ne fût pas d’une musculature fort probante, elle avait quelque chose de charismatique et semblait donner les ordres.
Lorsqu’il fut assez proche, le capitaine Morelli défia la bête qui ne portait pour toute arme qu’un bâton. Le chef chaotique sembla accepter, mais personne ne freina la charge. En pleine course l’éminente bête, les yeux profonds d’un bleu astral de son crâne de chèvre cornue, fixé sur Morelli, leva son bâton tortueux sculpté, où étaient fixées plusieurs tresses de corde, de cheveux et de plumes.
Soudain, sans même qu’il y eut d’explosion, une épaisse gerbe de flammes couleur indican naquit entre les rangs pour consumer Morelli.
Le feu resta un long instant à envelopper le capitaine. Puis les unités se rencontrèrent comme la vague rencontre les récifs.
Les hurlements de douleur de l’immolé, qui avaient pris le dessus sur le tumulte de la bataille, muèrent en des hurlements fielleux déchirants. Le feu indigo perdit de sa vigueur et l’on put voir l’abomination chaotique qu’avait forgé le divin alternateur. La chose n’avait rien d’humain, ni même de quelque chose d’autre. Ce n’était qu’un morceau distordu de chair vive à la couleur indéfinie, où avaient poussé plusieurs membres griffus, nombre incertain de yeux globuleux parfois exorbités, et une paire de bouche voir peut être plus. L’imprécision de la description de cette horreur, était due au fait que tout son être bougeait, muait, s’ouvrait et se refermait sempiternellement, alors qu’elle bondissait. Quoi de plus « normal » pour un dégénéré du dieu du changement ?
L’informe bondit hors de l’unité et fonça vers des hallebardiers qui ne tardèrent pas à faire connaître à tous leur infortune. Malgré le désagrément non négligeable que représentait la perte de leur capitaine, les tiléens tinrent bon et cela assez longtemps pour pouvoir jouir de l’aide d’un régiment de joueurs d’épée ostlander. Parmi ces renforts inespérés, se détacha un homme tonsuré armé d’un marteau de guerre à deux mains et muni du livre saint des sigmarites. Avec hâte, il chargea l’hybride au bâton.
Au centre de l’affrontement déchaîné, les deux thaumaturges confrontèrent puissamment leurs pouvoirs. Etincelles, éclairs, flammes et psalmodies diverses traversèrent l’air épais chargé de magie.
Une sphère rougeoyante naquit de la dextre du chaman et alla voler vers le prêtre-guerrier qui l’esquiva de peu. En riposte, le marteau siffla vers la boite crânienne de l’homme-bouc qui para. Le bois magique repoussa dans une onde invisible l’arme bénie, et le chaman profita de l’instant. Des flammèches orangées se manifestèrent sur la nuque, les épaules, et le long des membres supérieurs de l’homme-bête. Ce dernier passa dans un mouvement fluide, son avant-bras devant ses yeux, créant ainsi un voile scintillant et crépitant. Le prêtre de Sigmar rugit sa litanie d’une voix ferme et le chaman parut perdre son emprise sur le sortilège qui disparut.